l'Attente
Adèle sort du cinéma, elle tourne au coin de la rue et dégaine son parapluie jaune, elle rouspète contre cette pluie qui n'en finit pas de tomber. C'est l'hiver, il fait nuit noire, une fin de samedi après-midi comme toutes les autres. Elle s'arrête à la supérette pour acheter des mouchoirs, du coca light, des lasagnes surgelées et des granolas. Elle entame le paquet sur le chemin, passe devant cette jolie boutique de fleurs et ne peut s'empêcher de humer le doux parfum d'un bouquet de pivoines. C'est l'effervescence à l'intérieur des restaurants, on dresse de belles tables, le traiteur chinois la salue d'un geste de la main. Adèle grimpe les quatre étages jusqu'à son appartement. C'est ainsi qu'elle se promet tous les jours de se remettre au sport. Seulement l'idée d'une salle de gym et de toutes ces filles parfaites se dandinant en rythme la rebute. Elle remplit la gamelle de bob, son chat, qui vient se frotter contre elle en ronronnant. Elle réchauffe son plat de lasagnes tout en écoutant le message de sa mère sur son répondeur, gigot demain midi, ne sois pas en retard. Elle s'installe en tailleur sur le canapé et se surprend à penser à Marc, lui qui lui faisait toujours de bons petits plats. Elle a un pincement au cœur et puis se dit qu'après tout ça fait plus de trois ans maintenant, il est peut-être marié et cuisine surement pour quelqu'un d'autre aujourd'hui.
Trois ans... Trois ans de dossiers barbants la semaine, de cinéma le samedi, de repas chez maman le dimanche, de vide sentimental tous les jours. Mais Adèle ne se plaint pas, elle sait qu'un jour cela changera, que sa vie prendra un nouveau tournant. Alors elle patiente, elle laisse couler le temps avec calme et sagesse. Elle est comme ça Adèle. Ses proches ne la comprennent pas et la plaignent, sa mère s'inquiète de ne jamais avoir de petits enfants, ses collègues l'évitent et la trouve bizarre. La sonnerie de la porte d'entrée vient la tirer de ses pensées, elle ouvre et se trouve face à un jeune homme. Il a les cheveux en bataille, un t-shirt rouge à l’effigie de Che Guevara et des tâches d'eau de javel, des yeux noisettes et un regard timide.
-« Bonjour, je tenais à me présenter, je suis votre nouveau voisin ».
Adèle l'observe pendant quelques secondes et sourit, de son sourire qui dit : ce n’est pas trop tôt.